Monday, 7 February 2005

OUI au traité constitutionnel européen

Filed under: — Muad'dib

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Vendredi soir avait lieu un débat organisé par les Verts Ile-de-France sur le traité constitutionnel européen, avec entre autre Denis Baupin et Martine Billard. Si ce débat ne m’a pas fait changer d’opinion au sujet du TCE, il m’a conforté dans l’idée que le OUI est la seule voie réaliste pour les écologistes.

Ce traité est critiqué, et j’approuve la plupart de ces critiques: oui il est globalement libéral, oui la charte des droits fondamentaux est limitée, oui il est productiviste, parfois militariste, mais il ne s’agit pas de se tromper de combat, il ne s’agit pas de se tromper d’époque.

Qu’on le veuille ou non, la France est l’un des pays les plus progressiste en matière sociale. De notre point de vue, c’est une évidence que le TCE nous apparait en régression par rapport à ce que l’on connait, mais attention: ce qui est une régression pour nous représente des avancées énormes pour les autres. Nous ne perdrons rien, nous, francais, derrière nos lois et notre protection sociale, mais nous ferons gagner beaucoup à d’autres, sur le droit des femmes, sur la laïcité, sur la protection des travailleurs. Nous ne sommes pas seul: de quel oeil vont nous regarder les forces progressistes des pays de l’est quand la France refusera ce qu’ils considèrent comme des avancées ?

Le réalisme, c’est également voir les choses en face. Imaginons que le camp du “non” soit celui d’une gauche insatisfaite de la partie sociale du TCE: dans cette hypothèse, peut être qu’il faudrait voter “non” en se disant que le traité serait remanié dans des termes plus favorables… La réalité, c’est que le vote “non” est majoritairement motivé pour des raisons souverainistes, c’est une évidence qui revient à toutes les échéances européennes. Si le “non” l’emporte, le traité négocié par la suite aura pour objectif de plaire aux souverainistes, sera à coup sûr moins ambitieux que le TCE, et nous éloignera de cette europe fédérale nécessaire aux écologistes.

Mais il y a un argument que je n’entend jamais, ou presque jamais. On peut se battre pour quelques mots, quelques tournures qui ne nous conviennent pas, mais l’Histoire retiendra qu’en 2005, 25 pays ont choisis démocratiquement de créer une union politique en votant une constitution commune. L’impact de cet exemple dépasse la formulation de quelques lignes qui pourront être remaniés par la suite: il est totalement fondamental dans un monde qui manque cruellement d’instances supra-nationales efficace et démocratiques. L’idée que la France, pays fondateur, puisse faire échouer ce processus alors que le monde entier est tourné vers l’Europe, c’est un de mes pires cauchemars. Alors rêvons un peu, refusons les peurs irrationelles, et pensons à l’avenir.

Votons OUI à l’avenir !

Oui au TCE

7 Commentaires »

  1. Je ne trouve pas irrationnel d’avoir peur de perdre son emploi: le marché a pour but d’être “hautement compétitif”
    Je ne trouve pas irrationnel d’avoir peur d’être mal soigné: l’Etat doit réduire son budget et le fait déjà en réduisant le nombre de lits dans les hôpitaux, en privatisant la sécu, en déremboursant les médicaments sur les conseils de l’Institut Montaigne de Bébéar qui est président du conseil de surveillance d’Axa (par ici la monnaie disent les mutuelles (obligatoires dans les entreprises) qui augmentent leurs cotisations en arguant de ce désengagement de la sécu)
    Je ne trouve pas irrationnel d’avoir peur d’un buget militaire constitutionnellement forcé à la hausse pour tous les états membre
    Je ne trouve pas irrationnel de vouloir garder les services publics (depuis maastricht, nous avons perdu l’eau, France télécom et EDF, la poste c’est pour demain…)
    Je ne trouve pas irrationnel de vouloir conserver un droit du travail national et des conventions collectives par opposition aux accords d’entreprises qui tendent à diviser le droit
    Je ne trouve pas irrationel d’être contre la régionalisation qui divise le droit en droits régionaux inégaux.
    L’épouvantail souverainiste est une blague dénuée de sens, si l’UE garantissait un travail et non pas “l’accés au marché du travail”, un régime de prévoyance et des services publics avec monopole d’un état européen, avec des droits égaux pour tous et non pas régionaux, avec une volonté de progrés social et non de progrés libéral antinomique (preuve par Thatcher) je voterais oui !

    Comment by Barthélémy Bou — Friday, 11 February 2005 @ 16:00

  2. Tu as parfaitement raison sur le volet militaire. C’est un défaut, et tous les pacifistes le reconnaissent en tant que tel.

    Sur les services publics, c’est au contraire le premier traité européen qui reconnait les services publics en tant qu’exception à la concurence “libre et non faussée”. Je te renvoie pour cela aux articles II-36 (reconnaissance du rôle des services publics), III-238 (aides de l’état aux services publics) et III-122 (obligation de moyens en terme de services publics).

    Concernant les pertes d’emplois issues de décentralisations, elles seront dues à l’élargissement et pas à la constitution. Note aussi que l’effet des décentralisations n’est pas si facile à déterminer et que ce sacrifice n’est pas vain: on évite de laisser la moitié de l’Europe sur le bord de la route quand même…

    Quand je parle de “peur irrationelles”, je parle ne parle pas de ceux qui pointent les défauts du traité (j’en fait partie), mais ceux qui se servent de ces défauts pour refuser tout compromis. Tu voterais “oui”, dis tu, pour un autre traité que j’approuve à 100% mais que tu ne fera jamais avaler à l’Italie catho, à la Grande Bretagne libérale et à la Pologne pro-avortement. A te suivre, l’Europe resterait pendant encore un siècle une union économique.

    Le réalisme, c’est de tirer au but quand le gardien hésite et que toute l’équipe est derrière. Si on attend que la défense reviennent, on pourra faire la passe à 25 pendant des siècles sans jamais faire aucun progrès !

    Comment by Muad'dib — Friday, 11 February 2005 @ 16:32

  3. Désolé mais les passages que tu pointes font références à des “services d’intérêt économique général”.

    Nulle part n’apparaît l’expression “service public”, si ce n’est dans cet obscur passage “Sont compatibles avec la Constitution les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public.” Que signifie “le remboursement de certains servitudes inhérentes à la notion de service public” ? Il faudrait connaître les termes techniques employés ici et leur sens, estimer leur impact sur notre vie de tous les jours que cela aurait.

    L’intérêt économique de l’UE est la concurrence libre, non faussée, compétitive. Voilà l’objectif de l’Union, et les services d’intérêt économique général sont évidemment soumis à cette loi. Comme le précisent les articles III-166 et III-167: “Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de concurrence”. Or comment un service peut-il être rendu de manière égale pour tous s’il est en concurrence ? Car la concurrence sous-entend précisément la différence des prix et services, et non l’égalité.

    Par ailleurs comment ces services pourraient-ils être “publics” si “Sauf dérogations prévues par la Constitution, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions”...

    Il est écrit “sauf dérogation”, cela n’a rien d’une garantie de service public pour tous! Qu’est-ce qu’un service public qui n’est pas financé par l’Etat ? Une entreprise privée, tout simplement, mise en concurrence, augmentant ses tarifs, inventant des forfaits, réduisant sa masse salariale pour augmenter ses profits.

    C’est pourquoi je dis que ce traité ne garantie pas le service public. Et je refuse de valider un texte qui me met dans la situation de celui qui acquiesce à sa propre servitude.

    Comment by Barthélémy Bou — Monday, 14 February 2005 @ 13:18

  4. Ne jouons pas sur les mots: les “services publics” sont exactement ce qui est désigné par les articles cités ci dessus, dans l’esprit de la constitution comme dans les faits.

    Il faut arreter de croire au “complot libéral” qui aurait truffé ce texte de pièges: la convention comportait autant de socialistes que de libéraux, et son caractère libéral dominant n’est que le reflet de l’équilibre dominant de l’Europe, qui est plus à droite qu’en France. L’esprit général de la constitution reflète un compromis à tous les niveaux: c’est pour la Pologne qu’on a pas fait entrer le droit à l’avortement, c’est pour l’Italie qu’on y a mis des références à la religion, et c’est pour la France qu’on a introduit les “services d’interêt économique généraux”. Ne nous y trompons pas: des juristes bien plus expérimentés que nous y ont réfléchi. Ce n’est pas pour rien que 65% du PS s’est prononcé pour le traité en connaissance de cause…

    Quand je parlais “d’exception” pour les services publics, c’est donc justement cette “sauf dérogation prévue par la constitution” que tu cites. En tant que tel, le traité constitutionnel est le premier traité européen qui reconnait les services publics.

    Comment by Muad'dib — Monday, 14 February 2005 @ 13:44

  5. Un dernier mot avant de ne plus t’ennuyer: si le traité passe, tu comprendras vite que les “juristes bien plus expérimentés que nous” n’ont pas “joué sur les mots” en n’écrivant pas le mot “public”.
    Bonne chance à toi pour l’avenir, en espérant pour toi que le texte ne passe pas, je ne suis pas suffisament méchant pour te souhaiter ça !
    B.

    Comment by Barthélémy Bou — Monday, 14 February 2005 @ 22:42

  6. Rassures toi: si le traité passe, je serais le premier à manifester si l’esprit du traité est détourné.
    Si le traité ne passe pas, je serais également le premier à manifester pour que ces passages soient modifiés dans le traité suivant. Je serais également le premier à tout tenter pour que ce soie la gauche et non pas les souverainistes qui récupèrent le non. Malheureusement, comme je l’ai dit plus haut, j’ai bien peur que dans ce cas on entende plutôt De Villiers et Chevènement…
    Bien à toi.

    Comment by Muad'dib — Monday, 14 February 2005 @ 23:20

  7. Tiens, Greg, je te donne mon avis sur l’Europe ; et en plus, je critique les Verts Point de départ : une copine qui envoie un message collectif à tous ses amis, et ça dérive en engueulade généralisée !

    Il me semble que Guillemette a raison sur plusieurs points, mais qu’elle en tire de mauvaises conclusions. Je crois que l’on se moque de nous, à nous faire croire que l’adhésion ou non au TCE serait une question de rationalité, d’argumentation, bref, que dire non ce serait avoir mal compris. Il n’y a pas « une » vérité et « une » justice, et c’est la grande réussite des pro-européens d’avoir réussi à dépolitiser le débat à grands renforts de concepts creux et de chantage affectif…

    *

    Comment s’étonner des « frustrations sociales » ?! Evidemment, que la construction européenne déborde le clivage historique entre la droite et la gauche ! Cela fait belle lurette que, d’un point de vue politique, au-delà des références culturelles, ce clivage droite/gauche a cessé d’être une réalité. Air France, GAN, France Telecom, Crédit Lyonnais, CIC, Thomson, EDF-GDF : on a rarement autant privatisé que sous le gouvernement Jospin ! Où est, là-dedans, l’identité de « gauche » ? Guillemette a raison : la « gauche » française est schizophrène, puisqu’elle agite des valeurs de gauche et applique une politique de droite. Et elle a encore raison lorsqu’elle dit que « il y a quelque paradoxe à s’indigner du libéralisme contenu dans ce Traité car ce qui est mis en cause c’est la Traité de Rome (1957), l’Acte unique européen (1986), les Traités de Maastricht (1992) et d’Amsterdam (1999) ». La cohérence voudrait en effet que l’on ne se contente pas d’humaniser la construction européenne, mais de la remettre en cause purement et simplement, sans s’arrêter à des dogmes insensés du type « c’est impossible ». Je suis de ceux qui pensent au contraire, et pour donner à mon tour dans le registre des affirmations sans argumentation, que « c’est en cherchant l’impossible que l’homme a toujours réalisé et reconnu le possible, et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible n’ont jamais avancé d’un seul pas » (Bakounine).
    *

    Il y a quelque chose d’incroyable dans ce fétichisme de la démocratie : est-on à ce point à court d’arguments politiques qu’il faille affirmer que, de toute manière, la construction européenne a été « approuvée par les peuples en temps voulu » ? D’une part, ce référendum n’a pas eu lieu dans tous les pays ; en second lieu, une des rares consultations populaires, le traité de Maastricht, n’a pas vraiment recueilli une majorité écrasante… Il est temps que l’on aperçoive ce fameux référendum constitutionnel comme ce qu’il est : un plébiscite. N’importe quel sociologue politique sait également, j’espère, que la démocratie n’est pas une question de pure forme : quantité de dictatures, dont celle d’un certain Mr Hitler, sont arrivées au pouvoir par les urnes, faudrait-il pour autant leur accorder une légitimité et cesser de les affronter ? Quand bien même une structure politique serait formellement démocratique, il existe quantité de moyens de fausser cette fiction néo-classique d’électeurs omniscients et rationnels ! Moi qui travaille sur les relations de pouvoir dans les partis politiques, je pourrais écrire des livres entiers sur les méfaits du conditionnement médiatique, de l’idéologie dominante, du fatalisme et du conservatisme, de la soumission volontaire, de l’absence de culture démocratique… En soi, une consultation populaire n’a aucune valeur : c’est donc se moquer du monde que de faire reposer des espoirs dans l’apparition d’un « droit de pétitionnement » ! En Suisse, où ce droit existe depuis des années, on ne peut s’empêcher de constater qu’un certain nombre de lois réactionnaires ont été initiées par la population elle-même… Il n’y a pas de changement politique profond sans le soutien d’un bouleversement culturel de même nature. Pourquoi donc appeler de ses voeux une « culture de la négociation » hors de tout débat sur le projet de société dans lequel cette « négociation » est inscrite ? Avec la Confédération Européenne des Syndicats, l’Europe joue depuis longtemps le jeu de la « négocation » avec les « partenaires sociaux »... sur le modèle, par exemple, de la Charte du Travail, promulguée par Pétain pour associer Capital et Travail… On oublie trop souvent de le dire : l’Europe et le fascisme ont un ancêtre commun, la doctrine sociale de l’Eglise, et un principe de fonctionnement similaire, le principe de subsidiarité (article 1 du traité de Maastricht), enfant chéri des Encycliques Rerum Novarum et Quadragesimo Anno et sous-bassement, comme le rappelle Chantal Millon-Delsols, de l’Italie mussolinienne et du Portugal de Salazar… Non seulement il est douteux d’appeler de ses voeux une collaboration entre les représentants syndicaux de classes sociales qui n’ont d’intérêt commun que dans l’esprit torturé des nationalistes à la petite semelle, mais en plus, cela fait longtemps, en France comme ailleurs, que le syndicalisme a été intégré à l’Etat et fait office d’organisme de cogestion, d’encadrement et de prévention des conflits sociaux… Ce fétichisme formel de la démocratie a son pendant « radical » : on oublie souvent de dire que la « démocratie participative », si souvent vantée, de Porto Alegre, enferme le contrôle populaire dans le cadre de 3 % du budget, 80 % concernant des dépenses fixes et 17 % le paiement de la dette… Déjà, dans les lycées, on fait l’apprentissage de la démocratie des adultes : à des délégués qui n’ont aucun pouvoir, on fait croire, par le biais de tout un cérémonial électoral, qu’ils sont maîtres des règles du jeu… Les « citoyens » ont de la chance : on leur accorde le droit de gérer la pénurie ! C’est cela la grande chance du totalitarisme : faire croire aux opprimés et aux exploités qu’ils sont maîtres de leur destin en les associant à leur propre domination et à leur propre exploitation… Ceux qui ont lu George Orwell et son inspirateur, Evgueni Zamiatine, auront donc peu de peine à donner leur véritable sens aux institutions européennes, véritable caricature de démocratie : car non content d’enfermer la consultation populaire dans des cadres où elle ne signifie plus rien, l’Europe, qui jusque là était un modèle d’oligarchie, prévoit encore le cumul de pouvoirs traditionnellement séparés (l’Exécutif et le législatif entre les mains du Conseil des ministres), un Parlement fantoche, et un Exécutif non élu par ceux qu’il est censé représenter… rappelons que la Commission n’a aucune obligation de se soumettre au Parlement, comme elle n’a aucune obligation de reprendre le contenu d’une pétition qui lui est adressée…
    *

    Comment ça : « ce Traité entre Etat, qui n’est pas une Constitution, acte de droit interne, ne contient pas de politiques sociales car il n’en a pas la vocation. Il a pour vocation de constituer un saut qualitatif dans la construction d’une Europe politique plus forte après une construction essentiellement économique. Evidemment, ce ne sera pas l’équivalent d’un système parlementaire national ou le Parlement vote les lois sociales quand il le peut. Mais quand comprendra-t-on qu’on ne peut reproduire les institutions nationales à une échelle européenne avec 24 pays de culture politique différente ? ». La partie III du TCE, qui représente 72% du texte, récapitule les politiques européennes depuis 1957, des politiques soumises à une logique de casse du modèle keynésien, des droits et acquis sociaux, à un projet néo-libéral, et c’est donc cette logique que l’on nous demande de plébisciter, rétrospectivement et pour les années à venir. Il s’agit donc de graver dans le marbre des orientations que, institutionnellement parlant, puisque l’unanimité sera requise, il sera quasiment impossible de remettre en cause. Là encore, l’Europe joue avec l’attachement formel et idéologique des gens au suffrage universel. « Europe politique », voilà bien un terme qui ne veut rien dire ! Comme si tout ce que nous avons subi jusqu’à présent n’était pas le résultat de choix politiques, n’était pas mis en oeuvre par des partis politiques ! Le terme « politique » n’a pas en soi une valeur positive : il est complètement neutre ! Cessons donc de porter le débat autour de notions creuses : « Europe », « politique », « modernité »... C’est sur le fondement même de l’Europe (qui est complètement indépendante de l’idée d’internationalisme, de fraternisation des peuples, d’abolition des frontières…) de ce Traité, qu’il convient de porter un jugement : sur la « concurrence libre et non faussée ». Pas de vocation sociale, cette constitution ? Politique, économique, social, tous ces domaines agissent en interaction et sont interdépendants. Pour une Europe « politique », le TCE contient pourtant bon nombre de mesures pour protéger le patronat : c’est sur la protection des travailleurs qu’il se fait plus discret… Voilà ce que dit le TCE : encouragement à la privatisation, interdiction de freiner les mouvements de capitaux, condamnation des déficits publics « excessifs », services publics désormais dérogatoires car soumis aux impératifs de la concurrence, institutionnalisation du « dialogue » avec les religions, aucune citoyenneté de résidence, accroissement de la productivité de l’agriculture (et aucun mot, dans ce cadre, sur la protection de l’environnement !), favorisation de la recherche appliquée aux entreprises et rien sur la recherche fondamentale, aucune harmonisation du point de vue des discriminations, de l’éducation, de la culture, de la santé, de la politique sociale, (où donc est l’ « Europe politique » ?!), aucun contrôle sur la Banque Centrale Européenne, aucune implication européenne dans les politiques répressives de chaque Etat, soumission à l’OTAN… Les partisans du TCE vantent l’intégration de la Charte des droits fondamentaux, que Guillemette qualifie d’avancée – paternalisme oblige – pour tous ceux qui n’auraient pas la « chance d’être nés en France »... Mais là encore : à bas le relativisme culturel ! Une société repose sur des valeurs, un projet politique sur des principes universels : et où se trouvent le droit au travail, le droit à un revenu minimum, le droit à l’égalité salariale, le droit à une pension de retraite, le droit aux allocations de chômage, le droit à un logement convenable, le droit à l’éducation, le droit de grève transnational, le droit d’être soigné en cas d’urgence, le droit à l’avortement (!!)... Au mieux, on énumère des voeux pieux et des objectifs généraux (et, précise la Constitution, aucun de ces voeux pieux ne peut être évoqué devant un juge !) : seul le libre-échangisme est défendu par un arsenal de mesures dans le cadre d’une rigide harmonisation… pas mal, pour l’Europe politique ! Sont également niés deux principes fondamentaux du droit : l’indivisibilité des droits, et la « justicialité », qui permet de sanctionner la violation d’un droit auprès d’un juge… Tout ce qui relève du droit fondamental est soumis aux traditions nationales : quel est donc l’intérêt de cette Europe si tout ce qui relève des acquis de deux siècles de luttes sociales, démocratiques, féministes, n’est pas pris en charge, n’a même aucune valeur ? Il n’y a que les Verts pour prétendre sans rire que les silences du TCE représentent des avancées positives ! Bientôt, on nous dira, au nom de cet axiome du pis-aller, que, comme le TCE ne s’affirme pas ouvertement fasciste, il s’agit d’un bon traité ! Comment ? Il s’agirait de représenter une force alternative à la Chine et aux Etats-Unis ? Mais encore une fois : pourquoi faire ? Voilà donc trois super-puissances, qui s’appuient sur le même modèle capitaliste, soit sur le même modèle de société divisée en classes sociales, et qui prétendent toutes trois convaincre leurs populations, dans le cadre d’un registre nationaliste jouant sur l’affectif, qu’elles représentent une alternative aux deux autres… Doivent-ils être contents, les pauvres, exploités ici comme ailleurs, de savoir qu’ils habitent un pays riche ? Orwell, nous voici ! Ce traité, même d’un point de vue réformiste, est une véritable horreur !

    *

    « Voter non c’est s’opposer à l’état actuel des choses, ce qui est légitime mais c’est aussi se tromper de débat en pensant que cela permettra d’avoir plus de politiques sociales ou du moins d’avoir moins de politiques néolibérales ». Il y a, en effet, les sempiternels espoirs électoralistes de ceux qui n’ambitionnent que de faire du vote un exutoire dans lequel ils se referaient une virginité politique et puiseraient une nouvelle légitimité. On voterait non, ils se chargeraient du reste ! Mais en effet, ce vote n’implique aucune réorientation politique, et ce serait tromper les gens que de l’affirmer. Il ne s’agit pas non plus d’une question de principe ou de symbole, le vote « non » ne prend son sens qu’inséré dans un mouvement plus global ; en premier lieu, il s’agit de : 1/ tout simplement, ralentir la construction européenne, soit l’entreprise d’harmonisation par le bas, c’est-à-dire de démolition de nos acquis sociaux 2/ porter la crise dans le parti socialiste, en espérant une scission et le rapprochement des liens entre la gauche du PS et certaines organisations d’extrême gauche (genre LCR) afin que celles-ci se révèlent enfin et cessent d’incarner et dévoyer la contestation radicale 3/ redonner confiance aux fatalistes et profiter du feu des projecteurs pour remettre en cause l’idée même de construction européenne et redonner une arène médiatique à l’anticapitalisme. Pour le reste, il est clair que le vote « non » doit s’inscrire dans un renouveau des luttes sociales.

    Et puisque tout doit se terminer en chansons, surtout dans la rue, ne pas oublier de diffuser la jolie chanson du “non”, entièrement libre de droits :
    http://www.cie-joliemome.org/musique/le-mouton-noir-24-04-05.mp3

    Comment by Karim — Friday, 20 May 2005 @ 8:40

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